Le théâtre, c’est avant tout du corps. En effet, on peut pratiquement se passer de tout sur scène, on peut imaginer un spectacle théâtral sans décor, sans lumières, sans costumes, sans histoire (cf. le théâtre post-dramatique) et même sans texte ! Mais il y aura forcément des corps. En mouvement ou non, mais toujours bien présents.
Il faut donc considérer le texte comme un élément signifiant d’un spectacle, souvent très utile, mais un élément seulement, l’essentiel de ce qui se joue sur scène passant par le corps. Et c’est vrai aussi quand la pièce est jouée par des enfants.
On croit souvent que quand l’enfant-comédien sera à l’aise avec le texte, il le sera avec son corps. Cependant, cela est très rare. Il est bien plus fréquent de constater qu’il donne bien mieux son texte quand il sait se mouvoir.
Il convient donc de ne pas commencer par un travail autour du texte, mais par des petits exercices d’occupation de l’espace, d’enrichir et de complexifier peu à peu ceux-ci pour amener les élèves à franchir lentement les barrières de l’inhibition, à les mettre à l’aise avec eux-mêmes et avec le regard des autres.
Appropriation/gestion de l’espace :
La classe est réunie dans un espace délimité d’environ huit mètres sur quatre ou cinq mètres. L’enseignant demande aux élèves de marcher « normalement » dans cet espace selon leur propre chemin, en ne suivant personne. Personne ne parle, les visages n’expriment rien (pas de sourire…), on ne croise pas les regards. Le silence est exigé.
Il faut cependant qu’il n’y ait aucun « trou », que la circulation, tout en restant fluide, permette une répartition parfaite des corps dans l’espace. Cette petite consigne nécessite une forme de collaboration silencieuse autour d’un mini-projet collectif : occuper l’espace. Chacun se consacre à la réussite de celui-ci.
Contrainte une
Au bout d’une ou deux minutes, l’enseignant ajoute une consigne : au signal, tout le monde s’immobilise et chacun doit attraper le regard d’un camarade, le tenir trois secondes sans exprimer d’émotion puis repartir. Pendant ces trois secondes, les enfants se regardent donc deux par deux. Le signal peut être donné par la voix (en parlant doucement) ou en utilisant un petit objet sonore assez discret (clochette, tambourin frappé doucement…).
Cette consigne, si simple soit-elle, est déjà une difficulté à surmonter pour certains. L’enseignant qui observe la scène doit souligner les réussites et encourager les élèves. Il doit veiller à maintenir l’attention en parlant doucement et en rappelant la consigne au besoin. Il veille également à ce que l’espace soit toujours occupé équitablement car la contrainte ne manquera pas de perturber l’objectif premier !
Il est fréquent que plusieurs séances soient nécessaires pour arriver à un résultat satisfaisant. Il faut persévérer !
Contrainte deux
Cette fois-ci, le regard échangé par les deux élèves est agrémenté d’un sourire… d’une grimace de douleur… d’une expression d’étonnement (varier les propositions). Il s’agit d’une nouvelle étape, pas facile.
Contraintes suivantes
On peut demander aux élèves de se serrer la main en se regardant dans les yeux, puis en disant leur prénom, puis en disant le prénom de l’autre… On peut inventer de multiples façons de se rencontrer. Mais il faudra chaque fois veiller à ce que tout l’espace soit bien occupé.
Mobilisation du corps :
Parallèlement à l’apprentissage de la gestion de l’espace, on propose donc aux élèves des exercices qui mettent en jeu le corps. L’utilisation d’une musique facilite l’investissement de chacun. Voici quelques exemples (il en existe une grande quantité sur Internet) :
- Dans la continuité des exercices précédents, les élèves se déplacent dans la salle en occupant tout l’espace, mais petit à petit, très lentement, ils se transforment en monstres qui prennent de la place. Au bout de quelques dizaines de secondes, au signal de l’enseignant, ils reprennent très lentement leur forme initiale.
- Demander aux élèves de préparer un petit enchainement comprenant un déséquilibre, un mouvement de bras et un mouvement fesses au sol (on peut varier les gestes, ajouter un son…). Puis on se met à marcher, chacun leur tour les élèves s’écrient « regardez-moi ! » et lorsque tout le monde les regarde, réalisent leur enchainement. Puis on reprend la marche…
- Concevoir une sculpture par petits groupes (4 ou 5), on attribue un numéro à chaque élément. Lorsque l’enseignant appelle un numéro, l’élément concerné sort du groupe, se déplace n’importe où dans la salle, se repositionne comme dans la sculpture collective. Au nouveau signal de l’enseignant, les autres membres rejoignent celui qui s’est déplacé et reforment la même sculpture.
- Imaginer qu’on entre sur scène et qu’il y a du public, on est surpris puis on est heureux… ou terrifié, gêné…
- Mimer la fabrication d’un petit objet, d’un objet de la taille d’une table, d’une maison…
- Tout le monde suit un leader à la queue leu leu et imite le moindre de ses gestes.
- Jouer un gardien de but pendant un match en alternant les phases où il est sollicité et les phases où il observe le jeu plus ou moins tranquillement.
- Modeler un camarade pour en faire un monstre. Quand celui-ci est terminé, il attaque les autres.
- Mimer un animal de son choix…
- Descendre lentement au sol jusqu’à être complètement allongé puis remonter lentement par le même chemin.