La polyphonie est l’art de superposer les sons de façon harmonieuse. On peut le faire de différentes manières, par exemple en superposant 2, 3 ou 10 lignes mélodiques différentes : c’est ce qu’on appelle le contrepoint. On peut aussi écrire une mélodie « accompagnée » : c’est l’harmonie. Voici une petite vidéo qui explique la différence : https://www.youtube.com/watch?v=c33B4mokZiA
Au moyen-âge, la polyphonie est basée sur l’art du contrepoint (celui-ci atteindra des sommets au XVIIIème siècle avec le grand Jean-Sébastien Bach). L’harmonie, elle, ne sera théorisée qu’au début du XVIIème siècle.
C’est à la fin du IXème siècle, qu’Hucbald, un moine bénédictin de l’abbaye de Saint-Amand, parle pour la première fois de polyphonie (plus exactement de diaphonie : chant à deux voix). Alors que les « puristes » du chant grégorien n’admettaient que la monodie (chant à une voix), symbole de communion et d’humilité, certains moines commencent à explorer les possibilités d’un chant à plusieurs voix. Mais l’évolution est très lente…
Presque trois siècles plus tard, Léonin (1135-1201), puis Pérotin le grand (1150-1230), tous deux maîtres de musique de la cathédrale Notre-Dame de Paris développent la polyphonie. Deux voix puis trois, puis quatre… C’est la période que « l’ars antiqua. »
C’est dans le nord de la France et le sud de la Belgique actuelle que la polyphonie (contrepoint) va se développer et prendre son envol. Adam de la Halle (XIIIème siècle) est né à Arras, Guillaume de Machaut (XIVème siècle) est né près de Reims, Guillaume Dufay près de Cambrai… Binchois, Ockeghem, Busnois, Willaert, tous les grands compositeurs de la fin du moyen-âge sont originaires de cette région. Ils ont voyagé à travers toute l’Europe et exporté partout leur savoir, notamment en Italie.
Le premier grand compositeur polyphoniste à avoir durablement marqué son époque est Guillaume de Machaut, né près de Reims. Premier représentant de « l’ars nova » il se mit au service de Jean 1er de Bohème, personnage haut en couleurs surnommé Jean l’aveugle, avec qui il voyagea à travers l’Europe et partagea nombre d’aventures. A la mort de celui-ci, il se mit au service d’autres mécènes (dont la fille de Jean l’aveugle). Il compose la première messe polyphonique de l’histoire (ensemble de l’Ordinaire écrit par un seul homme, à 4 voix). Il écrit sur la thématique de l’Amour courtois. Il est l’un des premiers musiciens recherché, admiré et récompensé par les princes.
Autre compositeur adulé de cette époque, Josquin Des Prés (vers 1450 – 1521), né dans l’Aisne et qui finit sa carrière à Condé-sur-Escaut après avoir beaucoup voyagé en France et en Italie.
Il a influencé durablement toute la production musicale européenne et continue d’inspirer aujourd’hui nombre de compositeurs contemporains. Nul autre n’a mieux incarné que lui l’évolution majeure de la musique de son époque en intégrant à la fois la beauté des lignes mélodiques « à l’italienne » et la complexité du contrepoint le plus exigeant.
Il a écrit de nombreuses pièces religieuses (des messes, des motets…) mais aussi des chansons.
Une écoute : Belle qui tiens ma vie (Thoinot Arbeau)
https://www.youtube.com/watch?v=IAjd4vmjEuE
Objectifs de connaissances :
La musique polyphonique est une musique à plusieurs voix. Elle est apparue au cours du moyen âge et s’est développée très lentement. Jusqu’au 16ème siècle, c’est dans le nord de la France que les plus grands compositeurs vivaient.
Compétences cycle 1 :
Parler d’un extrait musical et exprimer son ressenti ou sa compréhension en utilisant un vocabulaire adapté.
Compétences cycle 2 :
Exprimer sa sensibilité et exercer son esprit critique tout en respectant les gouts et les points de vue de chacun.
Connaitre et mettre en œuvre les conditions d’une écoute attentive et précise.
Compétences cycle 3 :
Développer sa sensibilité, son esprit critique et s’enrichir de la diversité des goûts personnels et des esthétiques.
Après une première écoute, on pose la question : « Qu’avez-vous envie de dire sur ce que vous venez d’entendre ? »
On note au tableau l’ensemble des remarques, on débat sur leur validité. L’enseignant prend soin de ne pas diriger les échanges. Il doit juste être l’animateur et le garant du bon fonctionnement de ceux-ci. Il invite à justifier les remarques, à argumenter une affirmation (cycle 3). Des contradictions peuvent apparaître, il est alors intéressant de les mettre en évidence.
Lors d’une deuxième écoute, on vérifie ce qui a été affirmé, ainsi que les éléments sur lesquels on n’est pas d’accord. Ainsi, si un élève a entendu qu’il y avait plusieurs voix (il y en a quatre), on réécoute l’œuvre en demandant aux autres de vérifier.
Il ne serait pas étonnant qu’aucun élève ne relève la polyphonie, le cerveau des plus jeunes appréhendant le chœur globalement, comme un tout. Passer d’une écoute globale a une écoute fine prend du temps et nécessite un apprentissage. Il faudra donc proposer d’autres écoutes (voir ci-dessous) ou comparer avec le chant grégorien écouté précédemment. Développer une écoute attentive, c’est développer une compétence essentielle dans bien des domaines…
Si personne n’a remarqué la polyphonie, on réécoute en demandant s’il n’y a que des hommes ou que des femmes qui chantent. Cela ne permet pas de dire qu’il s’agit de polyphonie (hommes et femmes pourraient chanter les mêmes notes), mais c’est une première étape.
L’enseignant complète ou corrige ce qui est au tableau. Il favorise les échanges, relève les nouvelles contradictions, s’assure que la parole ne soit pas mobilisée par quelques-uns…
Seconde écoute
https://www.youtube.com/watch?v=I9zY1C38KA8
Une nouvelle fois, les élèves s’expriment sur ce qu’ils viennent d’entendre.
Il s’agit de la même œuvre, chantée par un autre ensemble vocal.
L’enseignant demande : « Quelles sont les différences avec la version précédente ? »
Les élèves remarqueront alors que la seconde version est plus lente que la première et qu’on y entend une sorte de tambour.
Puis ils s’exprimeront sur la version qu’ils préfèrent…
Pour aller plus loin :
- Evidemment, le prolongement idéal est d’apprendre le chant « Belle qui tiens ma vie ». Vous trouverez une bande orchestre dans le triolet 2.0 qui permet de le chanter à une ou deux voix : http://triolet.site.ac-lille.fr/triolet-2-0-cycle-3/
- Une œuvre profane du compositeur Condéen Josquin des Prés : Petite Camusette https://www.youtube.com/watch?v=FopEw0CvB7I
L’écoute de cette œuvre est très intéressante parce qu’on y entend parfaitement les différentes voix. Ainsi, en plus du plaisir de l’écoute, elle sera utile pour mettre en évidence la polyphonie (ici, le contrepoint).
Petite camusette, à la mort m’avez mis,
Robin et Marion, s’en vont au bois joly.
Ilz s’en vont, ilz s’en vont bras à bras,
ilz se sont endormis. petite camusette,
à la mort m’avez mis.
- Les chansons « Douce dame Jolie » ou « Je vivroie liement » de Guillaume de Machaut font partie elles aussi du Triolet 2.0 : http://triolet.site.ac-lille.fr/triolet-2-0-cycle-3/
A proprement parler, il ne s’agit pas de chansons polyphoniques, mais elles permettent de connaître un des compositeurs majeurs de la fin du moyen-âge.
On peut écouter ces chansons, et même les apprendre…
- Roland de Lassus (né à Mons en 1532) est lui aussi un polyphoniste important, plus tardif. Le motet « Nos qui sumus » a été écrit en 1573 : https://www.youtube.com/watch?v=9__k6jH_NMY