J’ai vu le loup le renard le lièvre
Alors que le chant grégorien se développe dans les églises et les monastères, une autre musique parcourt les campagnes et les villes. Cette musique profane (ou séculière) a pour unique objet de distraire et est souvent associée à la danse.
Bien peu de mélodies du haut moyen-âge sont parvenues jusqu’à nous, l’écriture musicale n’ayant pas encore été inventée. La transmission des chansons se faisaient uniquement à l’oral et subissaient immanquablement des modifications d’un siècle à l’autre. Le plus souvent le nom de l’auteur a été perdu.
Parfois, une même mélodie servait pour trois ou quatre textes différents, au gré des époques mais aussi des régions. C’est le cas de la chanson « J’ai vu le loup, le renard, le lièvre » dont il est impossible de déterminer l’origine géographique exacte. En effet, sa diffusion géographique s’est accompagnée de réappropriations régionales : ici, elle devient « j’ai vu le loup, le renard et la belette », là, elle est traduite en occitan…
C’est pourtant une chanson que l’on retrouve dans des régions parfois très éloignées de la France (Danemark, Suisse, Pays-Bas, Canada, Espagne, Italie…).
Chanson que l’on considère parfois comme une critique du système en place (le roi, le noble, le clergé à qui on payait des impôts) et dont une partie du succès provient de sa mélodie, empruntée… à un chant grégorien !
Au XIème siècle, alors que les campagnes françaises sont régulièrement ravagées par les guerres seigneuriales, l’église tente de pacifier la société féodale en instaurant « La Paix de Dieu », interdisant de se battre les jours de fêtes religieuses, puis le dimanche, puis, du mercredi soir au lundi matin ! Les seigneurs se voient donc contraints à une oisiveté qu’ils vont tenter de combattre de maintes façons.
Au sud de la France actuelle, quelques-uns de ces nobles s’essaient à l’art, et notamment à la musique. Ainsi, apparaissent les troubadours, à la fois poètes et musiciens qui écrivent en langue d’Oc. Contrairement aux idées reçues, ils se déplacent rarement de château en château ou de place en place. Ce rôle est plutôt dévolu aux « jugleurs » ou jongleurs, véritables amuseurs qui reprennent les chansons des troubadours et les font connaitre partout où ils passent.
Parmi ces artistes, on compte aussi des femmes, que l’on appelle les trobairitz. Les chansons relatent les exploits des chevaliers, mais surtout célèbrent l’amour courtois qui prône les valeurs de respect, de sincérité et de dévouement absolus pour son ou sa partenaire. Il s’agit souvent d’un amour impossible, d’une dame inaccessible, de la douleur face à l’indifférence de l’être aimé…
Les troubadours exerceront jusqu’à la période de la peste noire (1347-1352).
Richard Cœur de Lion, qui résida bien plus longtemps en France (Poitou) qu’en Angleterre, a écrit plusieurs chansons, dont le célèbre « Ja nus hons pris » (magnifique chanson que l’on peut trouver dans le dernier Triolet : http://triolet.site.ac-lille.fr/triolet-2-0-cycle-3/ !).
Au XIIème siècle, apparaissent dans le Nord de la France, les trouvères (trouveresses pour les femmes). Comme les troubadours, ce sont des poètes (en langue d’Oil) compositeurs, écrivant sur les mêmes thèmes. Ils sont souvent issus de milieux éduqués, mais rarement nobles.
Le trouvère le plus connu (l’un des derniers), Adam de La Halle (1245 – 1288) est originaire d’Arras. Il a probablement étudié à l’Abbaye de Vaucelles et a longtemps vécu à Douai.
Une écoute : J’ai vu le loup, le renard, le lièvre
Texte :
J’ai vu le loup, le renard, le lièvre
J’ai vu le loup, le renard cheuler
C’est moi-même qui les ai épiés
J’ai vu le loup, le renard, le lièvre
C’est moi-même qui les ai épiés
J’ai vu le loup le renard cheuler
J’ai ouï le loup, le renard, le lièvre
J’ai ouï le loup, le renard chanter
C’est moi-même qui les ai imités
J’ai ouï le loup, le renard, le lièvre
C’est moi-même qui les ai imités
J’ai ouï le loup, le renard chanter
J’ai vu le loup, le renard, le lièvre
J’ai vu le loup, le renard danser
C’est moi-même qui les ai fait danser
J’ai vu le loup, le renard, le lièvre
C’est moi-même qui les ai fait danser
J’ai vu le loup, le renard danser
Cheuler = boire jusqu’à l’ivresse
https://www.youtube.com/watch?v=3oLxTNv20Zs
Objectifs de connaissances :
Les chants traditionnels ont été écrits dans le seul but de distraire ou de faire danser nobles et paysans. En France (comme ailleurs en Europe), des musiciens poètes (troubadours au sud, trouvères au nord) écrivaient des chansons racontant les exploits des chevaliers ou des histoires d’amour.
Ménestrels et jongleurs passaient de place en place ou de château en château pour chanter ces chansons.
Compétences Education musicale cycle 1 :
Parler d’un extrait musical et exprimer son ressenti ou sa compréhension en utilisant un vocabulaire adapté.
Compétences Education musicale cycle 2 :
Exprimer sa sensibilité et exercer son esprit critique tout en respectant les gouts et les points de vue de chacun.
Connaitre et mettre en œuvre les conditions d’une écoute attentive et précise.
Compétences Education musicale cycle 3 :
Développer sa sensibilité, son esprit critique et s’enrichir de la diversité des goûts personnels et des esthétiques.
Compétences Histoire des arts cycle 3 :
Donner un avis argumenté sur ce que représente ou exprime une œuvre d’art – Dégager d’une œuvre d’art, par l’observation ou l’écoute, ses principales caractéristiques techniques et formelles – Relier des caractéristiques d’une œuvre d’art à des usages ainsi qu’au contexte historique et culturel de sa création.
Il apparait très intéressant pour les cycles 1 et 2, mais aussi pour le cycle 3, d’aborder cette écoute lors d’une séance en danse.
Elle pourra faire l’objet d’une création chorégraphique simple, émanant de propositions des élèves, qui pourra aboutir à une création collective (du type ronde ou jeu dansé), ou à des productions plus réduites, par deux ou quatre.
L’objectif est d’entrer dans l’œuvre par le sensible et d’éprouver le plaisir de la danse.
En cycle 1, on invitera ensuite les enfants à exprimer leurs émotions (joie de danser ensemble, de s’amuser, de chanter)
Les Grands pourront apprendre une partie de la chanson « J’ai vu le loup, le renard le lièvre… » et chanter en dansant !
L’enseignant(e) pourra proposer d’utiliser des instruments à percussion (3 maximum à la fois) pour accompagner la chanson et les danseurs (attention de bien nettoyer les instruments entre deux utilisateurs !)
En cycle 2 et en cycle 3
Après un échange sur l’activité dansée et les ressentis, on pose la question : « Qu’avez-vous envie de dire sur la musique ? »
On note au tableau l’ensemble des remarques, on débat sur leur validité. L’enseignant prend soin de ne pas diriger les échanges. Il doit juste être l’animateur et le garant du bon fonctionnement de ceux-ci. Il invite à justifier les remarques, à argumenter une affirmation (cycle 3). Des contradictions peuvent apparaître, il est alors intéressant de les mettre en évidence.
Lors d’une deuxième écoute, on vérifie ce qui a été affirmé.
Une nouvelle fois, les élèves s’expriment sur ce qu’ils viennent d’entendre. L’enseignant complète ou corrige ce qui est au tableau. Il favorise les échanges, relève les nouvelles contradictions, s’assure que la parole ne soit pas mobilisée par quelques-uns…
On peut alors faire constater que l’accompagnement instrumental est très rudimentaire : très peu d’instruments (dont un instrument à percussion : tambourin). Et les instruments se contentent de jouer la mélodie de la chanson (pas de polyphonie). Cependant, on entend bien un « bourdon » (note grave tenue tout au long de la chanson).
Cycle 3 (et cycle 2 motivés)
On demande alors d’écouter l’extrait suivant et de trouver ce qu’il a de commun avec la chanson :
https://www.youtube.com/watch?v=dsn9LWh230k
On constate rapidement que la mélodie est presque identique.
La chanson est en quelque sorte une parodie de ce chant grégorien extrêmement connu.
Pour aller plus loin :
- On peut apprendre une chanson médiévale contenue dans le Triolet 2.0 (Cycle 3) : rendez-vous ici : http://triolet.site.ac-lille.fr/triolet-2-0-cycle-3/
- Le groupe Tri Yan a repris une des nombreuses versions de la chanson dans les années 70 : https://www.youtube.com/watch?v=XL8JedSwpp0 Les enfants peuvent une nouvelle fois être invités à danser !
- Un danse médiévale : https://www.youtube.com/watch?v=M0eZTb9kMZ8 Attention, il est à noter que l’accordéon n’existait pas au moyen-âge !
Vous trouverez sur ce site une fiche « Arts plastiques » en lien avec cette fiche « Écoute musicale » : https://culture-bassin-valenciennes.etab.ac-lille.fr/2020/10/13/conserver-la-musique-dans-le-temps/