La musique postmoderne : le minimalisme

            La révolution atonale a marqué profondément l’histoire de la musique du XXème siècle. Après la deuxième guerre mondiale, dans les années 40-50, toute la production musicale se réclame plus ou moins directement de celle-ci. D’autres courants comme la musique concrète ou la musique électro-acoustique font leur apparition (nous y reviendrons dans une autre fiche). Malgré l’intérêt porté par la critique, les salles de concert consacrées à ces musiques ont souvent du mal à se remplir. Le grand public boude la musique de son temps, la jugeant élitiste.

            A la fin des années cinquante, l’émergence de la société de consommation va rebattre les cartes. Pas étonnant donc que la remise en cause de l’avant-gardisme naisse aux Etats-Unis… Comme l’affirme Susumu Shono dans la revue Contrechamps : « il faut reconnaître qu’aujourd’hui c’est l’auditeur-consommateur qui détermine la situation de la musique, que cela nous plaise ou non. En effet, à travers les débats sur la “nouvelle simplicité”, il est apparu que le facteur “popularité” en musique ne pouvait être négligé. Partant, il convient de réaffirmer l’effondrement de l’avant-garde, ce qui signifie que nous sommes maintenant dans la période post-moderne de la musique. » Pour lui, l’avant-gardisme a perdu la partie et la musique postmoderne ne peut plus prendre ses distances avec le public. Il ne s’agit pas d’un style musical à part entière mais d’un mouvement réagissant contre le modernisme.

C’est donc aux Etats-Unis, au début des années soixante, qu’est née la musique répétitive,  courant musical basé sur la répétition de courts motifs que l’on fait évoluer lentement. Terry Reiley, John Adams ou encore Philip Glass composent de nombreuses pièces souvent critiquées pour leur indigence supposée. Le contraste entre celles-ci et la musique sérielle toujours en vogue en Europe est de fait très marqué. Alors que ses détracteurs la qualifient de « superficielle » ou « de consommation », ses adeptes saluent le retour d’une musique empreinte d’émotion s’éloignant de l’approche intellectuelle qui caractérise la musique sérielle.

Ainsi, ses caractéristiques remettent les préceptes avant-gardistes en question :

  • Retour à la mélodie qui permet d’utiliser tous types de sons allant du simple bruit à l’accord tonal.
  • Possibilité de recourir à la répétition qui produit un effet hypnotique et qui met en évidence le moindre changement dans la phrase répétée.
  • Alors que Schönberg et ses successeurs souhaitaient faire table rase du passé, le postmodernisme autorise et même revendique la citation ou le collage d’œuvres, de styles et de techniques passés. Ainsi les références à Jean-Sébastien Bach, Beethoven ou encore à des musiques originaires d’autres continents vont se multiplier.

L’américain Steve Reich est le compositeur qu’on associe le plus couramment au minimalisme (dont la musique répétitive est un courant) et l’un de ses fondateurs, mais il faut souligner l’importance de plusieurs de ses compatriotes : Philip Glass, LaMonte Young, John Adams, Terry Riley, ou encore Michael Gordon. Bon nombre de compositeurs de musiques de films comme Mickael Nyman, John Williams, Hans Zimmer… recourent à la phrase mélodique.

En Europe, le britannique Gavin Bryars est l’un des premiers à s’essayer à ce style. Le mouvement minimaliste prendra d’ailleurs une forme très différente sur le vieux continent où on l’adoptera, au moins dans un premier temps,  à des fins religieuses ou mystiques. On peut citer le compositeur Estonien Arvo Pärt qui écrit une musique épurée puisant ses références dans la musique médiévale et notamment le chant Grégorien. Henryk Gorecki, compositeur polonais passé par le sérialisme écrit de nombreuses œuvres qui renouent avec la tonalité.

Le postmodernisme puise probablement ses sources dans la musique populaire autant que dans la musique savante. Il entretient d’ailleurs des rapports nourris avec des musiciens tels que Franck Zappa, Pink Floyd, Brian Eno, Tom Waits, David Bowie, Alain Bashung (album « l’imprudence »), ou encore Björk…

Né en 1935, Philip Glass fait partie des précurseurs de la musique répétitive. Il est l’un des compositeurs les plus influents de la fin du 20ème siècle. Il a notamment écrit la musique du film « The hours » pour laquelle il a été nommé aux Oscars et il a reçu une victoire aux BAFTA Awards (équivalent britannique de nos Cesars). Ici, il s’agit de l’une des nombreuses œuvres de piano qu’il a écrites : l’étude n° 9 (suivie de l’étude n° 20 à partir de 3’10)

https://www.youtube.com/watch?v=-H6Ui4ZiI1o

C’est pour la réalisation d’un documentaire sur les sans-abris de Londres que Gavin Bryars enregistre en 1970 un vieil homme qui chante un passage d’un vieux cantique de Noël. Cette rencontre va bouleverser toute sa vie : https://www.youtube.com/watch?v=tqfL4BB3o8g

Il existe de nombreuses versions de cette œuvre « Jesus blood never failed me yet », toutes de durées différentes, la plus longue durant 12 h ! En voici une un peu plus courte…

https://www.youtube.com/watch?v=Py6a-3iKIoU

Spiegel im spiegel (Miroir contre miroir) est l’une des œuvres les plus connues d’Arvo Pärt. D’une simplicité structurelle extrême, elle est bâtie sur une mélodie très lente jouée au violon et sur un accompagnement de piano à trois notes. La difficulté d’interprétation de cette œuvre réside dans l’attention qui doit être apportée à chaque note. Comme le souligne Arvo PÄrt lui-même : « Tout ce qui est redondant doit être laissé de côté. Tout comme le compositeur doit réduire son ego lorsqu’il écrit la musique, le musicien doit lui aussi mettre son ego de côté lors de l’exécution de la pièce. La pureté et l’innocence sont les qualités appréciées par le compositeur dans l’exécution de sa musique. »

https://www.youtube.com/watch?v=ZmcoTNn9YAk

Composée en 1976, la 3ème symphonie d’Henryck Gorecki est passée complètement inaperçue jusqu’en 1992. Sans raison évidente, un enregistrement de celle-ci est vendu en Grande-Bretagne à plus d’un million d’exemplaires ! Le 2ème mouvement de cette symphonie est composé pour soprano et orchestre. Les paroles sont une prière écrite sur le mur de la cellule n°3 au sous-sol du siège central de la Gestapo à Zakopane (sud de la Pologne). Au-dessous se trouvait la signature d’Helena Wanda Blazusiakowna, et ces mots : « âgée de 18 ans, emprisonnée depuis le 25 septembre 1944 ».

 « Maman, ne pleure surtout pas.

Vierge très pure, Reine du Ciel,

Protège-moi pour toujours. »

La prisonnière n’est cependant pas morte dans ce lieu, puisqu’elle est parvenue à s’évader et à survivre à la guerre…

https://www.youtube.com/watch?v=BVVlSGSVjjw

John Williams collabore pour la deuxième fois avec le réalisateur Steven Spielberg pour le film « Les dents de la mer ». L’équipe de tournage est réunie dans le Massachusetts. Lorsque Spielberg demande à John Williams de lui présenter ses idées, celui-ci joue au piano l’ostinato sur 2 notes séparées d’un demi-ton… Spielberg est très inquiet, il ne peut imaginer que ces quelques notes rappelleront son film mieux que n’importe quelle image.

https://www.youtube.com/watch?v=g18907r3w7A

Steve Reich découvre le « phasing » grâce à son ami Terry Reiley. Le principe est simple : une même courte phrase musicale est jouée par plusieurs instruments, à l’unisson. Puis par ralentissement ou par décalage en conservant la pulsation, un ou plusieurs instruments quittent l’unisson, produisant un effet d’écho. De décalage en décalage l’effet devient de plus en plus complexe jusqu’au moment où les deux phrases se rapprochent à nouveau pour un nouvel unisson.

Voici une explication très claire du principe : https://www.youtube.com/watch?v=47agCNyxfOE

« Music for eighteen Musicians » est une œuvre emblématique de ce compositeur. Hypnotique et céleste, elle nécessite une disposition particulière de l’orchestre et repose sur une pulsation tenue par les xylophones pendant toute l’œuvre qui dure presque une heure.

https://www.youtube.com/watch?v=ZXJWO2FQ16c