« Le Sacre du printemps » d’Igor Stravinsky
La vague de musique atonale qui déferle sur l’Europe puis sur le monde au début du 20ème siècle ne submerge pas tout. Beaucoup de compositeurs la voient arriver avec une certaine circonspection. Certains voient dans cette révolution une forme de sabordage qui ressemble étrangement à ce qui vient de se passer dans les tranchées de la Somme ou de Verdun.
Cet incroyable effondrement des fondements mêmes de la musique augure-t-il une fin funeste de celle-ci ou un renouveau salvateur? N’est-ce qu’un train qui va tout ravager et foncer droit dans le mur ou le seul moyen de sortir d’une impasse ? En tout cas, beaucoup de grands compositeurs vont se tenir à l’écart du séisme et continuer à faire ce qu’ils font de mieux : de la musique tonale.
En France, les chefs de file de cette « résistance », sont Maurice Ravel et Igor Stravinsky (certes russe, mais travaillant en France).
Ravel reconnait en Arnold Schönberg un compositeur de grand talent et ne conteste pas son importance. Mais il n’adoptera jamais ses découvertes, ne composera jamais dans le style dodécaphonique. Marqué par la Grande Guerre, il écrit nombre d’œuvres en rapport avec celle-ci : Le Tombeau de Couperin (écrit entre 1914 et 1917) est dédié à des amis tués sur le front, la Valse est selon lui l’ « apothéose de la valse viennoise à laquelle se mêle dans [son] esprit l’impression d’un tourbillon fantastique et fatal », superbe allégorie d’une civilisation européenne qui vient de s’autodétruire. Le concerto pour la Main gauche est une commande d’un ami pianiste Autrichien, Paul Wittgenstein, qui a perdu un bras sur le front russe… Toutes les œuvres de Ravel resteront bien ancrées dans la tonalité.
Mais ce qui résume le mieux l’ambiance qui règne autour des découvertes de Schönberg, c’est la relation que celui-ci entretient avec Igor Stravinsky.
Stravinsky rencontre Schönberg en 1912. Tous les deux ont conscience de représenter l’avenir de la musique. Ils sont empreints du même désir de bousculer les codes, de faire bouger les lignes. Stravinsky assiste à la première représentation du Pierrot lunaire et quatre jours plus tard, Schönberg assiste à la première du ballet Petrouchka de Stravinsky. Chacun apprécie réellement le travail de l’autre.
Mais dès le début de la guerre, les rapports se distendent et Schönberg annonce : « l’heure des comptes a sonnée, désormais nous balaierons ces médiocres épiciers vendeurs de kitch pour les réduire en esclavage. » Claude Debussy, grand admirateur de Stravinsky rétorque : « Il faudra tuer ce microbe de la fausse grandeur, de la laideur organisée… » Ambiance…
Malgré l’atmosphère qui est à la réconciliation chez les musiciens à la fin de la guerre, les relations entre les deux compositeurs empirent dès 1925. Schönberg vient de mettre au point sa théorie du dodécaphonisme et regarde désormais Stravinsky avec dédain. Il l’accuse de porter le drapeau des réactionnaires du néo-classicisme et de chercher maladroitement à s’afficher comme le fils spirituel de Jean-Sébastien Bach. Il affirme haut et fort que le fils spirituel du célèbre Cantor, c’est lui… Il va même jusqu’à écrire des satires sur son rival !
Bien que vivant à proximité l’un de l’autre à Los Angeles à partir de 1940, ils refuseront de se revoir. Stravinsky ne composera dans le style dodécaphonique qu’à la mort de Schönberg…
Le Sacre du printemps est une œuvre majeure du début du 20ème siècle. Il s’agit du troisième ballet écrit par Stravinsky pour la troupe de danseurs de Diaghilev, sur une chorégraphie de Nijinski. Créée à Paris en 1913, l’œuvre fait scandale. La bourgeoisie parisienne est totalement divisée sur l’œuvre dont la première représentation le 29 mai au théâtre des Champs-Élysées vire à l’affrontement. Aujourd’hui elle est reconnue comme l’une des plus grandes partitions du 20ème siècle.
Une écoute : Augures printaniers (Le Sacre du Printemps) d’Igor Stravinsky
https://www.youtube.com/watch?v=C9fSL3Z-e-c
Objectifs de connaissances :
Beaucoup de compositeurs du début du 20ème siècle ont refusé d’écrire de la musique atonale. Parmi eux, le français Maurice Ravel et le russe Igor Stravinsky.
Le sacre du printemps est une œuvre très importante d’Igor Stravinsky.
Compétences cycle 1 :
Parler d’un extrait musical et exprimer son ressenti ou sa compréhension en utilisant un vocabulaire adapté.
Compétences cycle 2 :
Exprimer sa sensibilité et exercer son esprit critique tout en respectant les gouts et les points de vue de chacun.
Connaitre et mettre en œuvre les conditions d’une écoute attentive et précise.
Compétences cycle 3 :
Développer sa sensibilité, son esprit critique et s’enrichir de la diversité des goûts personnels et des esthétiques.
Cycle 1 :
La première écoute peut se faire en salle de motricité. L’enseignant(e) fait d’abord écouter deux ou trois fois les 9 premières secondes en demandant aux élèves d’être très attentifs afin de retenir ce passage. Puis on sépare la classe en deux groupes de même nombre, les jaunes et les verts (par exemple). Puis, on donne la consigne : « Lorsqu’on entend la mélodie qu’on vient d’écouter, les jaunes marchent autour des verts. Lorsqu’on ne l’entend plus, les verts tournent autour des jaunes. Ceux qui ne marchent pas se mettent accroupis ! » On peut imaginer des variantes à ce petit jeux, l’objectif restant de discerner ce passage rythmique dans l’extrait écouté.
De retour en classe on pourra demander aux élèves comment ils reconnaissent l’extrait. Peut-être que l’aspect rythmique sera abordé par certains enfants. La reconnaissance des instruments n’est pas un objectif, c’est bien la régularité métronomique du passage qui doit être repérée.
Cycle 2 et 3 :
On propose une première écoute aux élèves et on pose la question : « Qu’avez-vous envie de dire sur ce que vous venez d’entendre ? » Les élèves s’expriment librement. Si ce qui est dit relève de l’analyse (c’est fort, ça va vite ou encore il y a des violons), on note simplement. Si un élève propose une remarque plus subjective (ça fait penser à des fantômes… on dirait de la musique de vieux…), on demande de justifier ou d’expliquer et on ne note que ce qui est étayé.
Lors de la deuxième écoute, on pourra compléter ces remarques et lors de la troisième, on vérifiera ensemble ce qui a été écrit. Par exemple, si on a noté qu’il y avait du piano, on demande aux élèves de lever le doigt quand ils entendent du piano… On se rend compte qu’il n’y a pas de piano, on efface la remarque du tableau.
L’objectif pour l’enseignant va être de faire apparaître l’aspect saccadé, rythmique avec des accents de cet extrait.
On propose ensuite cet extrait :
https://www.youtube.com/watch?v=PPSuYcDC3tI
Avec les élèves, on s’attachera à faire des liens entre danse et musique. On remarquera notamment que les gestes des danseurs sont synchronisés avec la musique.
On expliquera ensuite qu’en 1913, lors de la première représentation, l’œuvre avait fait scandale à cause de la musique qu’on trouvait trop dissonante et de la chorégraphie très éloignée des codes de l’époque.
Pour aller plus loin :
La danse des chevaliers de Prokofiev
Tirée du ballet Roméo et Juliette (1935), la danse des chevaliers est écrite sur un « allegro pesante ». Dès l’introduction, tubas et trombones marquent les premiers et troisièmes temps (temps forts) avec des notes graves assombries encore par la grosse caisse. Sur les temps faibles (deuxième et quatrième temps), violoncelles et cors répondent par des notes médium – graves. Le tout donnant une impression très lourde et martiale.
Le thème, joué essentiellement par les violons, apparaît dès la troisième mesure. Il nous entraîne vers l’avant avec une force impressionnante. Sans doute, Prokofiev annonce-t-il le destin funeste et inéluctable des protagonistes. De même, les différentes modulations soulignent l’instabilité de la situation dans laquelle vont se retrouver Roméo et Juliette.
https://www.youtube.com/watch?v=SyDo3h1Tu7c
O Fortuna (Carmina Burana) de Carl Orff
En 1936, Carl Orff, compositeur allemand écrit sa cantate « Carmina Burana » à partir de 24 poèmes médiévaux tirés d’un recueil du même nom. L’un de ces poèmes, « O Fortuna » est écrit sur le thème de la fortune (la chance). L’œuvre est extrêmement connue et a fini par quasiment occulter les autres compositions de Orff.
https://www.youtube.com/watch?v=GXFSK0ogeg4
Adagio for strings de Samuel Barber
D’abord écrit pour quatuor à cordes (1936), Samuel Barber l’adapte pour orchestre en 1938. Mélodie libre sur un tempo lent, il s’agit de l’œuvre la plus connue du compositeur. Elle fut jouée lors de nombreuses funérailles, dont celles de Roosevelt en 1945. Elle fut également très utilisée dans la culture populaire, notamment dans le célèbre « Platoon » d’Oliver Stone.
https://www.youtube.com/watch?v=WAoLJ8GbA4Y
Rigaudon (Le Tombeau de Couperin) De Maurice Ravel
D’une grâce subtile, le Tombeau de Couperin est un trésor de la musique française. Ecrit initialement pour piano pendant la première guerre mondiale, Ravel en fera une transcription magistrale pour orchestre à la fin de celle-ci. Il comporte six parties, chacune étant dédiée à un ami musicien mort sur le champ de bataille.
https://www.youtube.com/watch?v=pdeAnQKUTvY
Autre extrait du tombeau de Couperin : Le menuet
https://www.youtube.com/watch?v=C7XIZ5d26ns
La petite suite pour orchestre de Germaine Tailleferre
Née en 1892, Germaine Tailleferre (de son vrai nom Taillefesse) apprend la musique très jeune et compose ses premières œuvres à 5 ans. Mais si dans le milieu bourgeois il est approuvé qu’une fille ait une activité artistique, il n’est pas envisageable qu’elle en fasse un métier… Malgré l’opposition farouche de son père, elle réussit à faire de brillantes études de compositrice. Amie avec Picasso et Modigliani, elle deviendra une grande compositrice française.
https://www.youtube.com/watch?v=Z_w827ZX1k4
Symphonie n° 7 dite « Leningrad » de Dmitri Chostakovitch
Chostakovitch dédie sa symphonie n°7 écrite en 1941 à sa ville natale : Leningrad. Celle-ci sera assiégée par les forces allemandes pendant 900 jours, et un tiers de sa population va mourir du fait du siège. Pourtant, le 9 aout 1942, malgré les malaises de plusieurs musiciens affamés et le manque de répétitions dû à la situation, l’œuvre est jouée à Leningrad et diffusée par haut-parleurs aux forces allemandes. L’objectif est d’atteindre l’ennemi psychologiquement. Malgré une qualité d’interprétation très moyenne à cause de l’affaiblissement physique des musiciens, l’émotion du public est immense…