« Le Pierrot lunaire » d’Arnold Schönberg
Au début du 20ème siècle, certains musiciens estiment que la musique tonale (basée sur les accords consonants) a atteint ses limites. Mais dès la fin du 19ème siècle, nombre de compositeurs bousculent la grammaire musicale qui s’est imposée depuis la fin du moyen âge. Ainsi, Beethoven, Wagner ou encore Liszt flirtent parfois avec l’atonalité.
Pour bien comprendre ce qu’est la musique atonale, voici une petite vidéo explicative : https://www.youtube.com/watch?v=41NDwNZA1VU
Arnold Schönberg est considéré comme le père de la musique atonale. Compositeur allemand, grand admirateur de Wagner, il commence par écrire de la musique romantique et acquiert une certaine notoriété. Mais très vite, au tout début du 20ème siècle, il a la volonté de se détacher définitivement de la tonalité. Avec deux autres compositeurs allemands, Alban Berg et Anton Webern, il fonde la deuxième école de Vienne (en référence à la première constituée de Haydn, Mozart et Beethoven) qui va écrire les bases de la musique contemporaine.
Dans un premier temps, leurs compositions vont simplement chercher à « fuir » la tonalité. Puis, en 1923, Schönberg théorise le dodécaphonisme dont l’objectif est de livrer un nouveau cadre à la composition musicale qui donne la même importance à chacun des douze sons de la gamme (do – do# – ré – ré# – mi – fa – fa# – sol – sol# – la – la# – si). Le principe (très succinctement) consiste à écrire une série de notes qu’on ne peut répéter avant que les onze autres n’aient été jouées. Enfin, vers 1940 apparait le sérialisme intégral qui élargit le principe de la « série » à d’autres paramètres de la musique (rythme, timbre, intensité…).
Le dodécaphonisme est donc une musique atonale, mais la musique atonale ne se résume pas au dodécaphonisme. Au début du 20ème siècle, beaucoup de compositeurs refusent d’adhérer aux nouvelles règles édictées par Schönberg. Des compositeurs comme Arthur Honegger, Manuel de Falla, Maurice Ravel ou encore Sergueï Prokofiev écriront de la musique tonale et atonale mais ne se convertiront jamais au dodécaphonisme. Igor Stravinsky, le célèbre compositeur du « Sacre du printemps » s’oppose lui farouchement à Schönberg et à sa théorie (il s’y convertira cependant à la mort de celui-ci).
Ce sont essentiellement les compositeurs nés au début du 20ème siècle qui vont intégrer la musique sérielle (prolongement du dodécaphonisme) à leurs œuvres : Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Luciano Berio ou Luigi Nono s’inspireront de l’œuvre de Schönberg.
C’est en 1912 qu’Arnold Schönberg écrit le Pierrot lunaire. Œuvre majeure de la musique atonale (pas encore dodécaphonique), elle est écrite pour un petit orchestre : cinq musiciens mais huit instruments (trois musiciens jouent de deux instruments) et une chanteuse. Celle-ci pratique le « sprechgesang », un parlé-chanté qui est une déclamation à mi-chemin entre l’opéra et le théâtre.
L’œuvre est en rupture avec les compositions en vogue à l’époque, elle est très liée au mouvement expressionniste allemand s’appuyant sur des symboles et la psychanalyse, prenant des formes contrastées, parfois agressives qui permettent à l’artiste de se détacher de la réalité et d’exprimer ses états d’âme. Le texte est une traduction allemande de poèmes d’Albert Giraud (de nationalité belge) écrits en 1884 et traduits en allemand. Pierrot, personnage de la commedia Dell’Arte symbolise l’artiste, la lune, la poésie et Colombine l’Amour infidèle.
Schönberg répond à la commande de l’actrice Albertine Zehme, personnage important des cabarets berlinois de l’époque. Celle-ci aimait à déclamer des poèmes expressionnistes avec emphase…
Une écoute : Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg
https://youtu.be/eH7OnSOHBWg?list=RDeH7OnSOHBWg
Objectifs de connaissances :
Au début du 20ème siècle, certains compositeurs veulent que la musique change complètement. Ils ne veulent plus qu’elle respecte la tonalité et imaginent de nouvelles règles pour son écriture. C’est le début de la musique dite « contemporaine ».
Arnold Schönberg est le compositeur qui est à l’origine de cette révolution.
Compétences cycle 1 :
Parler d’un extrait musical et exprimer son ressenti ou sa compréhension en utilisant un vocabulaire adapté.
Compétences cycle 2 :
Exprimer sa sensibilité et exercer son esprit critique tout en respectant les gouts et les points de vue de chacun.
Connaitre et mettre en œuvre les conditions d’une écoute attentive et précise.
Compétences cycle 3 :
Développer sa sensibilité, son esprit critique et s’enrichir de la diversité des goûts personnels et des esthétiques.
Cycle 1 – 2 et 3 : Lors de la première écoute, l’enseignant(e) propose aux élèves de visionner la vidéo en même temps. Les élèves s’attacheront sans aucun doute à la chanteuse. On les invitera à s’exprimer sur celle-ci : « elle est déguisée et maquillée, elle chante bizarrement, on ne comprend pas ce qu’elle dit… »
Si un enfant propose de l’imiter, il faut accueillir sa proposition avec bienveillance.
L’enseignant(e) propose ensuite d’imaginer ce qu’elle raconte (cela peut se faire par écrit pour les plus grands). On accueille toutes les propositions, mais quel que soit son âge, l’élève sera invité à expliciter, justifier ou argumenter sa réponse. Ainsi, on peut mettre en place un échange des plus intéressants entre élèves, l’enseignant(e) évitant de donner son avis, veillant à ce que chacun puisse exprimer son point de vue. Les propositions des élèves s’appuieront dans un premier temps sur l’attitude et le personnage de la chanteuse, mais on pourra petit à petit amener l’échange sur la musique.
Celle-ci peut apparaître étrange, mystérieuse et imprévisible (surtout aux adultes…) mais les plus petits seront probablement les plus réceptifs !
Pour les plus grands, on proposera une lecture d’un ou plusieurs poèmes d’Albert Giraud et on pourra « s’amuser » à en faire une lecture dans le style « parlé-chanté ».
Pour les plus petits, on proposera de faire une interprétation d’une comptine connue par la classe dans le style « parlé-chanté ».
Pour aller plus loin :
Tout un monde lointain d’Henri Dutilleux
Il s’agit d’une commande passée par le violoncelliste Mstislav Rostropovich au compositeur français Henri Dutilleux. L’œuvre exploite à merveille toutes les possibilités expressives (passages mélodiques, rythmiques, saccadés…) et techniques du violoncelle (archet, pizzicato, tremolo, slap… grave, aigu). Fondamentalement atonale, très accessible, elle n’apparait pas du tout austère et est très expressive. Il s’agit sans aucun doute d’une œuvre majeure de la musique contemporaine.
https://www.youtube.com/watch?v=CUqlcaXxH3E
La planète des singes de Jerry Goldsmith
Peu de compositeurs de musique de films ont utilisé la musique atonale pour caractériser une ambiance. Jerry Goldsmith est l’un d’eux. En 1968, il écrit la bande originale du film « La planète des singes ».
https://www.youtube.com/watch?v=3cbTVDgKJPM
Pacific 231 d’Arthur Honegger
Créée en 1923, Pacific 231 est l’œuvre la plus connue du compositeur Arthur Honegger. Relativement courte (environ 7 minutes), elle évoque un voyage à bord de la célèbre locomotive. Du démarrage, lourd et grinçant, à la décélération et à l’arrêt, en passant par le fracas de la pleine vitesse, le rythme musical suggère celui de la machine.
https://www.youtube.com/watch?v=1xSAPzD79_I
Musica ricercata de György Ligeti
Ligeti est un compositeur hongrois naturalisé autrichien qui a produit bon nombre d’œuvres singulières. Ce qu’il propose ici, c’est une série de onze pièces pour piano, chacune étant bâtie sur un nombre de notes fixé par avance. Ainsi la première pièce est écrite sur une seule note (le la). Une deuxième note, le ré n’apparait qu’à la toute fin.
https://www.youtube.com/watch?v=nIs3jechQ_E
Le deuxième mouvement est construit sur trois notes, le troisième sur quatre et ainsi de suite. La dernière pièce est dodécaphonique :
https://www.youtube.com/watch?v=QwFMn2rPvqc
Le marteau sans maitre de Pierre Boulez
Ecrite en 1954, « le marteau sans maître » est l’œuvre la plus connue du compositeur français Pierre Boulez. Elle est composée pour un ensemble instrumental très particulier qui comporte une chanteuse (mezzo-soprano), une flûte, un alto, une guitare, des percussions, un vibraphone et un xylorimba. L’œuvre à nombre de points communs avec « Le Pierrot Lunaire », elle repose elle aussi sur une série de poèmes, écrits cette fois par René Char.